
17.04.2017
Referendum turc : Une publication envoie le message de Erdogan à l’Europe
Auteur / autrice: Irene Dimopoulou
La une du journal pro-gouvernemental turc « Takvim » à l’issue du référendum du Dimanche 16 Avril, montre un grand «OUI» en cinq langues autres que le turc: Américain/Anglais, Allemand/Autrichien, Français/Suisse, Italien /Vatican et Grec. Mais ce « oui » n’est pas signalé seulement par les langues, comme on le voit en première lecture. Le double drapeau serait inutile, s’il s’agitait de langues. Il s’agit d’états.
Le message de la Turquie par le journal pro-gouvernemental, a plusieurs destinataires. Le referendum n’est pas seulement une affaire d’Erdogan et des superpuissances qu’il cherchait à légitimer dans son état. En plus, qui d’autre que le gagnant détermine le «super-», le superflus de l’attendu, l’excédent? Voici quelques conclusions à en tirer:
1. Le referendum concerne tous les Turcs qui vivent sur le continent Européen et dans le monde européen, y compris le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’ Amérique.
2. Il ne concerne que les musulmans qui aspirent à l’hégémonie turque, mais aussi ceux d’une autre religion, les Chrétiens (Grèce, Vatican) et qui pourraient être des sources d’opposition contre l’Islam.
3. Il concerne les pays qui conservent à leur territoire des populations qui au visage d’Erdogan et de sa nouvelle Turquie, reconnaissent leur chef politique qui défendra leur ethnicité, leur religion et leur culture, contre les demandes de l’Union Européenne –que les Turcs considèrent comme extorsion- pour l’européanisation de la Turquie. La sélection ciblée des drapeaux américain, autrichien et suisse, désignant des Etats plutôt que des langues, vise à l’Amérique de Trump, menaçant la « relation spéciale » et la primauté de la Turquie dans la région; l’Autriche qui a récemment rejeté les exigences pré-électorales turques pour la propagande de Erdogan sur son territoire; et la Suisse qui, non seulement méprise l’argent turc, l’argent qu’ acceptent d’autres pays, comme la France et même les Etats Unis, pour financer la construction des mosquées énormes et des « centres spirituels » islamiques, elle a aussi interdit par référendum la construction de minarets et la portée du hijab.
4. Il concerne le grand Empire ottoman qu’Erdogan tente de reconstruire, d’une manière très intuitive. Aucune mention n’est faite d’Albanie, de Bulgarie, ou de Kosovo, des zones disputées avec les solides populations musulmanes juste à cote de la Turquie.
5. Par contre, le journal consacre de l’espace à la Grèce, où il existe une minorité musulmane suite de la Traite de Lausanne de 1923, mais aussi un nombre inconnu de musulmans issus de l’immigration en cours. Erdogan veut encourager les musulmans habitant la Grèce, -affaiblie, suite à la crise économique-, mais il n’est pas prêt de tirer à la poudrière des Balkans en manifestant son soutien aux musulmans Albanais de Kosovo.
6. La victoire démocratique du OUI, par 51,41%, offre à Erdogan la légitimité que ne lui donnerait pas un résultat stalinien de 99% qu’il pourrait facilement produire, comme il a démontré par les suites du coup de l’été 2016. Erdogan connaît les astuces des cours occidentaux comme ceux des sultans.
A suivre…
Irene Dimopoulou
Directrice, Journal Empros