L’espace et le temps ont entre eux une étroite relation, à la fois physique et philosophique.
En théorie, l’un comme l’autre sont mesurables de manière sûre et objective, mais, en pratique, ils modifient, soit notre perception, soit l’effet qu’ils ont sur nous.
La conception du temps est bien différente, selon que l’on se trouve dans des lieux aux vastes horizons, comme le désert, la toundra, les étendues glacées, ou dans des mégapoles. La perception du temps est cyclique pour celui qui est lié à la terre, alors qu’elle est frénétique et arythmique pour qui vit en ville. Quant à l’espace, sa perception varie en fonction de la concentration humaine et son occupation est bien différente selon si l’on se trouve sur les côtes normandes ou dans les taudis urbains chinois.
Ces différences abyssales cohabitent dans ce qui peut être défini comme un nouvel Age de l’histoire du Monde, nouvel Age qui, même si de manière différenciée, impose ses règles générales. Ce nouvelle Age est “satellitaire”, c’est-à-dire que, dominé par des Entités récemment créées qui influent sur l’espace et le temps, ainsi que sur l’anthropologie humaine tout entière, il est allé jusqu’à renverser notre rapport avec le ciel, nous dominant de là haut dans une configuration qui peut s’apparenter à une reproduction actualisée de la théorie de la “Terre creuse” : d’une certaine façon, la surface terrestre est en effet devenue “interne”, ou plus exactement “superficielle”, par rapport à d’innombrables centres externes.
Dans ce nouvel Age, également défini comme celui de la Mondialisation, le temps se comprime et l’espace se restreint, comme René Guénon le prévoyait déjà en 1945 dans Le Règne de la quantité et le signe des temps. Tout ceci se traduit par une perte de la centralité et des références, par de l’angoisse, de l’énervement, une course frénétique vers le néant, selon un scénario qui a été illustré de façon magistrale par la “fable pour enfants” Momo écrite en 1976 par Michael Ende.
A travers une série d’actions et de réactions méta / physiques, tout est en changement. Les espaces s’élargissent, les centres de pouvoir, qui furent un temps circonscrits à la cité avant de devenir nationaux, sont aujourd’hui en cours de continentalisation. Par un effet de compensation, le localisme réaffleure et, dans le processus de transformation des Etats, pendant que, d’un côté, sont créées des Entités entrecroisées qui les dépassent, d’un autre se renforce la tendance à l’autonomie locale.
Tout ceci se déroule dans le cadre politique et institutionnel de l’ère présatellitaire, car l’on n’a pas encore conscience de l’influence que l’avénement des satellites a eu sur toute l’anthropologie humaine, bien au-delà de celle qu’avait eu la révolution électrique.
Prisonniers de réflexes de Pavlov, nous éprouvons de grandes difficultés à nous mettre en phase avec l’époque dans laquelle nous vivons ; pendant que le temps et l’espace se rétractent, comme Guénon l’avait bien vu, nous sommes sous l’emprise de l’angoisse du néant si bien décrite par Ende. Ainsi, pendant que la géographie tout entière est en train de changer, entre tremblements de terre, tsunamis et migrations de masse, nous restons prisonniers de critères totalement inadaptés.
A brève échéance, il y a un risque que l’homme soit supplanté par une espèce d’androïde, obtenu par un mélange de biologie, de biochimie et de robotique. S’il veut survivre, il devra se réapproprier l’espace, aussi bien en lui-même que son espace vital : du domestique au stellaire.