Qui prendra la tête du nationalisme en Europe ?
Auteur / autrice: Raivis Zeltīts
Translator: Pascal Lassalle
Voici un siècle, une lutte épique s’est déroulée en Europe pour savoir quelle forme de socialisme aurait pu dominer sur le continent. La question aujourd’hui est de savoir qui prendra la tête du nationalisme en Europe. C’est la question la plus importante des temps que nous vivons. En 2017, dans une Europe post-Brexit et post-Trump, la question n’est pas de savoir si le nationalisme refera surface en Europe. Car il est déjà là. L’hégémonie libérale et socialiste qui a régné pendant des décennies à l’Ouest a reçu un coup dont elle ne pourra se relever.
Aussi, nous devons nous mettre en mouvement pour la prochaine étape d’importance. Le nationalisme est une vision du monde et en tant que telle, elle possède différentes interprétations, certaines d’entre elles pouvant être contradictoires.
Le cours de l’Histoire est largement déterminé par la géopolitique. Le nationalisme européen est devenu otage de la lutte entre les acteurs géopolitiques mondiaux. Cette dernière s’accomplit pour la puissance en soit et rien d’autre, et tous les moyens sont bons pour cela.
Ayant constaté un vide au niveau des valeurs en Europe, la Russie utilise le nationalisme européen comme un outil dans son combat géopolitique contre les Etats-Unis et l’Europe. Le président Vladimir Poutine, issu du KGB, continue naturellement la politique du néo-stalinisme qui reconnaît le nationalisme comme un « mal nécessaire », un instrument dans la lutte pour l’hégémonie globale. Au même moment, cela engendre une situation schizophrénique pour la Russie qui est multiculturelle chez elle et combat le nationalisme de ses voisins dépeint comme « fasciste ». Les personnes proches du régime comme Alexandre Douguine font de gros efforts pour masquer cette schizophrénie, au moins aux yeux des tenants de la droite à l’étranger, avec son idéologie du néo-eurasisme.
Cependant, derrière ce nationalisme purement tactique, il n’y a pas de véritables valeurs. Ce nationalisme tactique ne représente pas les intérêts des nations européennes qui sont basées sur les principes ethniques, sur la valeur de la citoyenneté et de la culture européenne, pas sur quelque chose venu d’ailleurs.
Des idées nouvelles, de nouvelles narrations du nationalisme sont plus que jamais d’une urgente nécessité en Europe. Plus encore, une approche réaliste dans le domaine géostratégique s’avère nécessaire pour le nationalisme des nations européennes afin de résoudre des contradictions comme celle du Brexit, un succès pour la nation britannique, mais une catastrophe géopolitique pour l’Europe dans son ensemble (une Europe, qui n’est pas réductible à l’Union Européenne). Dans la perspective de ce nationalisme européen, je propose de prendre en considération les idées qui suivent.
L’Intermarium comme un nouvel épicentre. Les pays de la région de l’Intermarium ont eu une très longue expérience des « valeurs » venues de l’Est.
Le résultat de cette vitalité est que cela manque cruellement à l’Europe occidentale, ainsi qu’une tradition de résistance nationale que nous pouvons aujourd’hui voir en acte dans les politiques mises en œuvre par la Pologne et la Hongrie face aux commissaires européens. La chance du nationalisme européen repose sur cette région, un nationalisme avant tout pour les Européens. La question de l’Ukraine est fondamentale. Sans une Ukraine libre érigée comme un acteur géopolitique, objectif des nationalistes ukrainiens (ceux du Mouvement Azov en particulier-NDT), il n’y aura pas d’Intermarium libre et aucun espoir pour l’avenir de l’Europe. Pour le dire plus simplement, l’idée que les nationalistes puissent accomplir la renaissance de l’Europe avec l’aide de la Russie sur le cadavre de l’Ukraine est d’une grande stupidité.
Si le nationalisme constitue un « mal nécessaire » géostratégique pour Moscou, alors l’Union Européenne pourrait être vue comme un « mal nécessaire » pour les nationalistes. Dans cette optique, je considère qu’une ère nouvelle nationaliste ne pourra décoller dans un seul pays, parce qu’un pays isolé ne pourrait faire face seul à d’importantes pressions étrangères et internationales. La Pologne fait l’expérience de cette situation et s’en sort très bien pour l’instant. Mais pour combien de temps ? C’est pourquoi une Union Européenne réformée pourrait être utile afin qu’une évolution vers une Europe des états nationaux puisse se dérouler dans les meilleures conditions, un bloc sécurisé pour les états nationaux, exempt des dangers représentés par une intervention étrangère. Cela pourrait très bien ne jamais arriver et l’UE pourrait se révéler trop inflexible pour cet objectif. Dans ce cas de figure, il resterait l’option de l’Intermarium, mais il est préférable de tenter de réformer le système. Ceux qui souhaitent l’effondrement pur et simple de l’UE, ne réalisent pas qu’ils pourraient finir isolées et sans alternative géopolitique.
Il est totalement légitime pour un état de lutter pour étendre son influence à l’échelle globale. La politique n’est pas un club d’amis et certainement pas la géopolitique. Au même titre que les Etats-Unis ont le droit de proclamer « L’Amérique d’abord » et même la Russie, la politique des nationalistes en Europe devrait être celle de « l’Europe d’abord ! ».
« L’Europe d’abord ! » doit impliquer pour ses nations constitutives d’être à pied d’égalité dans ce combat, surtout pas en tant que vassales d’un acteur global étranger, ni en étant opposées entre elles au nom de vieux contentieux non résolus, l’erreur structurelle du nationalisme en Europe au XXème siècle.
C’est pourquoi les nationalistes européens doivent communiquer entre eux sans intermédiaires, sans les médias ultralibéraux ou les canaux de communication russes.
Un nouvel axe Nord-Sud de communication intraeuropéen devrait être mis en place de manière efficace comme une alternative au paradigme « Est-Ouest » toujours effectif.
Deux organisations nationalistes européennes devraient êtres plus proches entre elles que de n’importe quelle autre tierce partie relevant de puissances étrangères. Le nouveau nationalisme est une plateforme qui pourrait constituer une telle alternative à une époque où la communication et le travail en réseau sont si importants.